Histoire des Folies

Particulièrement en vogue aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, les Folies sont des édifices à mi-chemin entre l’architecture et l’art et sont un des trésors du patrimoine national. Formes extravagantes, audacieuses, elles ont d’abord prospéré aux abords des châteaux ; elles ont été des pigeonniers, des pavillons de musiques, des ateliers d’artistes ou des cabinets botaniques. 

Aux environs de Neuilly-sur-Seine se trouvent les célèbres Folie Saint-James et Folie d'Artois. Cependant d’autres Folies balisent le territoire, comme l’Hôtel Arturo-Lopez à Neuilly, le pavillon des Indes à Courbevoie ou le pavillon de musique du parc Saint-James.

 

La Folie d'Artois, un pari fou

Pour se distraire de la vie monotone de Versailles, le roi Louis XV organise des séjours de chasse à la campagne. Les maisons de Choisy et de Louveciennes, cadres de divertissement, deviennent les premières « Folies ». 

Le Comte d'Artois, frère du roi Louis XVI, veut lui aussi sa Folie. Il décide en 1777 d’embellir le domaine de Bagatelle. Il parie 100 000 livres avec sa belle-sœur, la reine Marie-Antoinette, que le pavillon sera fini avant la fin d’un séjour de la Cour à Fontainebleau, et qu’il l’inaugurera par une fête en son honneur.

Pour tenir son pari, le Comte d’Artois mobilise 900 ouvriers et artisans. François-Joseph Bellanger, son architecte, va jusqu'à réquisitionner les convois de matériaux en route pour Paris. Le château de Bagatelle est terminé en un temps record de six semaines et la reine paie les 100 000 livres, qui sont loin de couvrir la totalité des frais estimée à 1 200 000 livres.  

C’est sur ce domaine qu'est créé le premier jardin dans le goût naturaliste : sous-bois, pièces d’eau, pelouses ombragées, cascades et grottes ornent le paysage. Tout y est recherché, jusqu’aux pierres, d’un fini précieux, d'une taille ou d’une couleur originale. Le rez-de-chaussée est composé d’une salle à manger, d’un salon, d’un billard et d’un boudoir décoré de peintures de Fragonard. A l'image de la vie élégante et dissipée de la fin du XVIIIe siècle, les résidents de Bagatelle y donnent des fêtes d’un luxe inouï, c'est ainsi que le nom « Folie d’Artois » voit le jour. 


La Folie Saint-James, un défi architectural

Le financier Claude Baudard de Vaudésir, originaire de Saint-James en Basse-Normandie, souhaite égaler le château de son voisin, le comte d’Artois, à Bagatelle. Trésorier général de la marine, il possède une grande fortune : son hôtel de la place Vendôme est renommé pour sa magnificence. 

En 1778, il demande à François-Joseph Bellanger de bâtir la Folie Saint-James. La mission qu’il lui confie est simple : transformer et embellir une maison préexistante sans épargner aucune dépense. Ce dernier conçoit un magnifique jardin : une rivière agrémentée de ponts et de cascades serpente dans le parc où sont édifiées de nombreuses fabriques : temple, rocher artificiel, grotte, belvédère, laiterie, pavillons chinois et gothiques, etc. 

Claude Baudard ne profite que peu d’années des coûteux embellissements de la Folie Saint-James. Ayant fait faillite, ses possessions sont vendues en 1787, il est emprisonné 3 mois à la Bastille et meurt après sa libération. 

Le domaine et le château passent ensuite de main en main à travers les années : du duc de Choiseul-Praslin, au négociant Charles Bazin qui les loue à des personnalités en vue comme Lucien Bonaparte ou Laure Junot, duchesse d’Abrantès. Au XIXe siècle, le domaine, morcelé puis loti, disparaît peu à peu. En 1844, le docteur Pinel y installe une maison de santé dont le plus célèbre patient est le peintre Toulouse-Lautrec

En 1922, le site est classé au titre des Monuments Historiques. Le jardin clos du Temple de l’Amour est alors aménagé. En 1952, l’Etat rachète le domaine et un lycée y est construit entre 1956 et 1959. La Folie Saint-James et son parc sont aujourd’hui la propriété du Conseil Départemental des Hauts-de-Seine.


Le Pavillon de musique : une folie dans la folie

Situé dans la partie nord du Parc de la Folie Saint-James, le Cabinet d’Histoire Naturelle est édifié par Jean-Baptiste Chaussard dans les mêmes matériaux que le château. 

Le baron de Saint-James conserve dans ce petit pavillon sa collection de minéraux et de coquillages rapportés des expéditions du Comte de Puységur. Le cabinet est alors entouré de trois grandes serres froides et chaudes dans lesquelles sont cultivés des fleurs et des fruits exotiques. C’est une architecture de verre qui s’intègre totalement au jardin.

Pour la décoration intérieure, l’architecte Chaussard et le stucateur Lhuillier se sont associés pour créer dans le cabinet central un ensemble reprenant un modèle de l’Antiquité. Le même type de décor a été réalisé dans la salle des bains du Grand Rocher.

L’édifice de forme carrée est surmonté d’une coupole à caissons et rosaces, éclairée en son centre par une verrière en forme de rose des vents. Dans les pendentifs de la coupole, des victoires ailées qui portent des couronnes alternent avec des renommées tenant des trompettes. Tous les ornements servent à renforcer les lignes clés de l’architecture : feuilles d’acanthe, frises de palmette, rais de cœur, perles… Un mobilier d’acajou à la dernière mode complète l’ensemble.

A l’époque de la maison de santé du docteur Sémelaigne, le cabinet de sciences naturelles, dont les serres ont été détruites dès 1811, sert de chapelle. Classé monument historique en 1922, il devient propriété de la Ville en 1962 et est alors nommé Pavillon de musique.


L'Hôtel Arturo Lopez, pastiche des décors royaux

A la fin du XIXe siècle, c'est sur un terrain situé aux abords de la Seine que Paul Rodocanachi, héritier d’une grande famille grecque de l’île de Chios, décide de se faire construire un hôtel particulier dans le style Louis XVI, à l'image d'un hôtel entre cour et jardin.

En 1928, il vend sa demeure à un riche chilien nommé Arturo Lopez-Willshaw qui va en remanier profondément l’architecture pour en faire l’écrin de sa collection de mobilier et d’argenterie ainsi que le cadre des fêtes mondaines présidées par son épouse Patricia.

Épris du XVIIe et du XVIIIe siècle, Arturo Lopez cherche à évoquer à travers sa demeure l’univers des grands décors des châteaux royaux qu’il affectionne. Sa dernière création est une curieuse salle de bal, dite salle des coquillages, intégralement tapissée d'une multitude de coquillages et de nacre. Cette curiosité décorative est une référence directe à la chaumière aux coquillages du domaine du château de Rambouillet.

Le duc de Penthièvre y avait installé en 1780 un petit pavillon au sein d’un jardin anglais pour distraire sa belle-fille, la princesse de Lamballe. L’aspect campagnard de la chaumière cachait un intérieur plus riche composé d’un surprenant décor de coquillages, qui a malheureusement été ruiné par les prussiens en 1870.

En 1946, le conservateur du domaine fait appel à Arturo Lopez pour restaurer ce pavillon de jardin, qui lui plait tellement qu’il le fait reproduire dans son hôtel de Neuilly-sur-Seine. La salle des coquillages a notamment nécessité l’utilisation de 169 000 coquillages (moules, bigorneaux, crapauds, palourdes, praires, coquilles Saint-Jacques, etc.), d’une tonne et demi de nacre et de 4 tonnes de sable.


Deux pavillons de l'Exposition Universelle

Au-delà du pont de Neuilly, le parc de Bécon à Courbevoie accueille deux curiosités architecturales, éphémères à l'origine, issues toutes deux de l'Exposition Universelle de 1878 à Paris. 

Le Pavillon des Indes britanniques a été conçu dans le style des palais indiens du Rajasthan pour le prince de Galles, futur Edouard VII. Installé dans le vestibule d’honneur du palais du Champ-de-Mars, le pavillon abritait ses collections personnelles (harnais brodés, étoffes, vaisselles, vases, coffrets, bijoux, armes damasquinées et sculptées…). A l'issue de l'exposition, le pavillon a été divisé en plusieurs lots. La partie installée en 1884 dans le domaine de Bécon – qui appartenait au prince roumain Georges Stirbey et à Valérie Simonin – constitue l'unique vestige encore existant de nos jours.

Non loin du pavillon des Indes se trouve le Pavillon Suède-Norvège, élaboré par l’architecte norvégien Henrik Thrap-Meyer. Inspirée de l’architecture scandinave religieuse et rurale, la façade en bois de sapin rouge présente des décors aux motifs végétaux en bois compressé et moulé. La structure étant entièrement modulable et démontable, le pavillon a pu être acheminé à Paris en bateau puis en train. Il est remonté à Courbevoie en 1879 à la suite de son achat par Georges Stirbey et accueille aujourd'hui le Musée Roybet-Fould


Les Folies du parc de la Villette : constructions contemporaines

Les Folies quadrillent le parc de La Villette en 26 points rouges semés à intervalles de 120 mètres sur une trame orthogonale. Elles résultent de l’éclatement d’un cube de 10,80 mètre de côté et de sa recomposition en d’infinies possibilités.

Chacune a été pensée par l’architecte Bernard Tschumi. Lauréat du concours pour la création du parc en 1983, il a transformé l’ancienne friche industrielle en un ensemble architectural et paysager unique : le parc urbain du XXIe siècle.

Son chantier prendra plus de 15 années pour devenir ce qu’il appelle aujourd’hui « le plus grand bâtiment déconstruit de l’histoire ». 

« La Villette incarne l’idée que l’architecture est indissociable de la manière dont les personnes peuvent s’approprier l’espace. Et voyez comme les usagers prennent possession du lieu, comme l’imprévu est omniprésent. Tout ici n’est qu’esprit d’ouverture qui suscite sans cesse de nouvelles envies et donne au plus grand nombre la possibilité d’inventer. » Bernard Tschumi

Ces Folies participent aux activités du lieu : certaines accompagnent l’expérience du promeneur comme la Folie Belvédère ou la Folie Horloge, d’autres assurent une fonction pratique : accueil, information, billetterie, café et restaurant… D’autres encore sont dédiées aux animations culturelles, festives et associatives.

(d’après Le Petit Futé 2020 – La Villette Nord-Est Parisien)